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• Le cacao, la misère des paysans et le changement climatique

 • Les médias parlent du chocolat Yêrê

Le cacao, la misère des paysans et le changement climatique

Le projet de transformation artisanale du cacao naît en 2009 : notre couple (l’une est ivoirienne et l’autre est français) fait un retour en Côte d’Ivoire. Amonah, qui réalise pour une ONG une étude sur l’exploitation du travail des enfants en ville et en campagne, découvre le scandale de la traite et de l’esclavage d’enfants dans les plantations de cacao. Alors que le grand-père d’Amonah, petit paysan, a élevé ses 40 enfants grâce au cacao, qu’il a pu les scolariser et même envoyer certains à l’université, les planteurs d’aujourd’hui vivent en-dessous du seuil d’extrême pauvreté (voir En savoir plus).

misère des paysans, travail des enfants et prix du cacao

Revenus indignes pour les cacaoculteurs et cacaocultrices ivoiriennes

Source : Baromètre du cacao 2018

Au cours de l’année 2017, lorsque le cours du cacao s’effondre à la Bourse, « les petits cacaoculteurs et cacaocultrices de Côte d’Ivoire, déjà aux prises avec la pauvreté, ont vu leurs revenus du cacao (de loin leur principale source de revenus) diminuer de 30 à 40% » (Baromètre 2018, p.11). En effet, le prix payé aux planteurs est passé de 1100 FCA/ kg à 700 FCFA/ kg, tout juste au-dessus du coût de production du cacao de 677 FCFA/ kg.

En 2018, le revenu des planteurs se situe à 0,78 US$/ jour/ personne, bien en-dessous du seuil international de pauvreté (1,90 US$/ jour/ personne), avec pour corollaire, pour s’en sortir : le travail d’enfants et une déforestation galopante (la productivité des terres défrichées requérant moins de main d’œuvre les premières années).

Travail des enfants

Depuis le premier scandale public et la menace de boycott des Etats-Unis en 2001, les pires formes de travail des enfants (traite, esclavage, travaux dangereux) dans les plantations cacaoyères d’Afrique de l’Ouest continuent. Malgré les promesses des multinationales et des gouvernements, et alors que ces acteurs ont misé sur l’augmentation de la productivité plutôt que sur l’augmentation du prix du cacao, l’exploitation des enfants est au contraire en forte augmentation. En 2015, 2,1 millions d’enfants travaillaient dans les plantations cacaoyères ouest africaine1s. Qu’en est-il aujourd’hui, après l’effondrement du cours du cacao et des revenus des planteurs ?

Enfin une intervention concertée des pays producteurs pour augmenter le cours du cacao (juin 2019)

En 1988, face à l’effondrement du cours mondial du cacao, la Côte d’Ivoire lance un blocus sur son cacao, qu’elle refuse de vendre jusqu’au redressement du cours, mais elle échoue à convaincre le Ghana (2ème producteur mondial), et elle perd son pari. Puis elle va devoir céder aux pressions du FMI et de la Banque Mondiale pour libéraliser son marché intérieur : les multinationales sont libres de négocier le prix directement avec le petit producteur, et les cours mondiaux du cacao sont libres de fluctuer en fonction des récoltes et des revirements spéculatifs.

En 2012, l’Etat ivoirien décide de sortir de la passivité face au marché et inaugure un mécanisme de contrôle du prix payé au producteur pour son cacao. Les prix fixés par l’Etat ont progressivement augmenté pour atteindre 1 100 FCFA/kg en 2016. Puis en 2017, les cours mondiaux du cacao s’effondrent en quelques mois, passant de 3000 $ US à moins de 1 900 $ US la tonne.

En juin 2019, la Côte d’Ivoire et le Ghana se sont unis pour la première fois pour mettre en place un moratoire des ventes de cacao jusqu’à ce que le prix remonte au-dessus de 2300 € la tonne (2600 US$/tonne), et ainsi fixer un prix minimal d’achat pour soutenir leurs producteurs1.

Certification Commerce Equitable et primes de développement

Fait troublant : que les producteurs soient certifiés équitable (Fair Trade/ Max Havelaar) ou durable (les labels UTZ et Rainforest) ne change pas grand-chose aux revenus qu’ils perçoivent. En 2017, Fairtrade International découvre que seuls 42% des producteurs certifiés Fairtrade gagnent plus que le seuil d’extrême pauvreté et que seuls 23 % gagnent plus que le seuil de pauvreté. Près de 77% des producteurs de cacao certifiés Fairtrade ne dépassent pas le seuil de pauvreté en Côte d’Ivoire.

En effet, le système Max Havelaar est basé sur :

  • un Prix minimum garanti au paysan, manifestement trop bas (1000 FCFA/ kg ; 2000 US$/ T) : ce n’est que lorsque le cours mondial du cacao s’effondre en 2017 qu’il passe pour la première fois en dix ans en-dessous de ce Prix minimum garanti.

  • une prime de développement versé à la coopérative en plus du prix du cacao (200 US$/ T), elle aussi manifestement trop basse : elle est tout juste suffisante à couvrir les frais de certification et de fonctionnement des coopératives.

Fair Trade/ Max Havelaar décide d’augmenter de 20% son Prix minimum garanti (de 2000 US$/ T à 2.400 US$ / T, soit 1.200 FCFA/ kg – à peu près l’objectif des Etats ivoirien et ghanéen pour octobre 2019) et de la prime de développement (200 à 240 US$/T, soit 120 FCFA/ kg) à partir d’octobre 2019.

Selon la même étude, à rendements identiques, le prix du cacao devrait se situer autour de 4,72 US$/ kg pour que 80% des producteurs dépassent le seuil de pauvreté.

Répartition de la richesse dans la filière cacao – chocolat

Source : Baromètre du cacao 2015

En 2017, tandis que les paysans ivoiriens passaient de la grande pauvreté à l’extrême misère en perdant 30 à 40% de leurs revenus, les multinationales du négoce et de la transformation du cacao (Barry Callebaut, Cargill, Olam, etc.) ont économisé 4,7 milliards de dollars sur le prix d’achat du cacao, sans que le prix de vente du chocolat ne diminue d’un centime.

L’ONG Public Eye observe que sur 100 milliards de dollars générés tous les ans par la vente de chocolat (destination principale du cacao) seuls 6% atterrissent dans la poche des cultivateurs. L’équivalent, sur une tablette, d’un demi carré.

Déforestation et changement climatique

Source : La déforestation amère du chocolat, Mighty Earth, 2016, p.5

En Côte d’Ivoire, la superficie couverte par la forêt primaire est passée de 16 millions d’hectares en 1960 – soit la moitié du pays – à moins de 2 millions d’hectares en 2010. Depuis lors, la déforestation a encore accéléré, notamment en raison d’une guerre civile qui a contraint des dizaines de milliers de paysans à quitter leurs plantations à la recherche de nouvelles terres. Beaucoup d’entre eux sont se sont installés dans des aires protégées (essentiellement à l’Ouest du pays), où ils ont abattu la forêt primaire et planté des cacaoyers. Au moins 30 %, voire 40 % de la récolte ivoirienne de cacao provient aujourd’hui de zones classées ou protégées.

La déforestation est également une réponse au vieillissement des plantations : les plantations crées sur une parcelle fraichement déforestée est plus productive et moins exposée aux mauvaises herbes et aux maladies (c’est la rente forestière). La production intensive est le modèle général : la densité de cacaoyers est telle que la pression parasitaire est très élevée ce qui implique l’utilisation de traitements chimiques massifs. La culture en plein soleil (sans arbres d’ombrage) nécessite l’application d’intrants chimiques importants pour un rendement minimum. Les plantations finissent par s’épuiser.

Au rythme actuel, il n’y aura plus de forêt dans le pays en 2030.

La cacaoculture est donc un contributeur non négligeable au changement climatique, mais elle est également fortement exposée à cette menace, avec la perspective de sécheresses plus fréquentes et prolongées.

La seule perspective d’échapper à ce cercle vicieux est de convertir la cacaoculture à une agroécologie complexe et intensive en main d’œuvre soutenue par un prix du cacao fortement en hausse, dont la SCEB est encore le seul exemple en Côte d’Ivoire.

BIBLIOGRAPHIE

 

Baromètre du cacao 2015, Public Eye :

https://www.voicenetwork.eu/wp-content/uploads/2019/07/Cocoa-Barometer-2015-xFrench.pdf

Baromètre du cacao 2018, Public Eye,

https://www.publiceye.ch/fileadmin/doc/Schokolade/2018_Barometre_du_cacao_FR.pdf

Cacao : la reprise en main des producteurs ? , La Bulle économique, France Culture, 22/06/2019 :

https://www.franceculture.fr/emissions/la-bulle-economique/cacao-la-reprise-en-main-des-producteurs

Cocoa Farmer Income. The household income of cocoa farmers in Côte d’Ivoire and strategies for improvement, Fairtrade International and True Price, 2018 :

https://www.fairtrade-deutschland.de/fileadmin/DE/01_was_ist_fairtrade/05_wirkung/studien/fairtrade_international_response_study_cocoa_farmer_income_2018.pdf

Etude sur les coûts de production et … le coût de la vie des producteurs du programme Equité, AVSF, 2017 :

https://docs.wixstatic.com/ugd/0a2b60_3289fef0d1024cac8b028668db62243a.pdf

L’adaptation de la cacao-culture ivoirienne au dérèglement climatique : l’agroécologie pourrait-elle être une solution ?, M. Dufumier Plateforme du Commerce Equitable/ Equité, 2016,

https://docs.wixstatic.com/ugd/0a2b60_21c836cfbfff44d2a85813292eb25da1.pdf

La déforestation amère du chocolat, Mighty Earth, 2016, http://www.mightyearth.org/wp-content/uploads/2016/07/chocolates_dark_secret_francais_web.pdf

Survey Research on Child Labor in West African Cocoa Growing Areas, Tulane University, 2015 :

https://makechocolatefair.org/sites/makechocolatefair.org/files/newsimages/tulane_university_-_survey_research_on_child_labor_in_the_cocoa_sector_-_30_july_2015.pdf

Les médias parlent du chocolat Yêrê

  • « Glandage : Yêrê et son bean to bar », par Chantal Seignoret (Le Dauphine Libéré, 23/12/2018)

  • Documentaire sur la coopérative de cacao SCEB, notre partenaire : « Chocolat chaud : raz le bol ! », Documentaire d’Adeline Grunberg, diffusé en décembre 2018 sur France 5, avec une enquête auprès de la SCEB et son principal client (Ethiquable) en comparaison avec une coopérative certifiée Max Havelaar. Extrait (33 :10 à 45 :29) : https://vimeo.com/304105339

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